Ecole de la confiance : déclaration au Conseil Supérieur de l’Éducation du 15 octobre

Il n'est pas souhaitable de construire et mener une politique publique d'éducation sans co-détermination avec les personnels et les usagers, il est illusoire d'espérer l'efficacité par verticalité.

Une loi pour quoi faire ?

Le Sgen-CFDT tient à redire ce qui a été formulé dans la déclaration commune : Il n’est pas souhaitable de construire et mener une politique publique d’éducation sans co-détermination avec personnels et usagers, il est illusoire d’espérer l’efficacité par verticalité. De ce point de vue, ce projet de loi est une nouvelle occasion manquée : le manque de dialogue préalable et le flou sur l’architecture réglementaire à venir ne peut qu’entretenir la défiance. Il fallait prendre le temps du dialogue sur le fond et les perspective, avant de soumettre le projet de loi. Il fallait prendre le temps de l’échange sur l’esprit avant de présenter le texte. Mais ce temps n’a pas été pris, et il faudrait émettre un avis.

Obligation d’instruction à 3 ans, objet marginal du projet de loi

Ce projet de loi a une portée symbolique évidente. Introduisant l’obligation d’instruction dès 3 ans, il se veut un symbole. Pour le Sgen-CFDT, compte-tenu de l’important taux de scolarisation dès trois ans (proche de 97%) ce n’est pas forcément la priorité pour le système éducatif, mais nous en prenons acte. Soulignons toutefois que la mesure n’est pas que symbolique. Sa mise en œuvre aura des effets sur les finances des collectivités et sur le travail des agents publics, notamment pour les inspecteurs et inspectrices en ce qui concerne le contrôle de l’instruction à domicile et dans des écoles hors-contrat. Force est de constater que cet aspect occupe 5 des 23 articles de la loi.

Et au-delà de la scolarisation dès 3 ans?

Qu’en est-il du reste? Il se présente comme un ensemble disparate, un patchwork de mesures qui ne définissent pas d’orientation claire pour le système éducatif, et l’exposé des motifs structuré uniquement par article en est révélateur.

Sans entrer dans le détail de ces mesures nous souhaitons insister sur certaines.

Rectorat de Mayotte : une revendication satisfaite

Des mesures vont dans le bon sens. D’abord la création d’un rectorat de plein exercice à Mayotte. C’est une revendication de longue date du Sgen-CFDT et de la CFDT. C’est une mesure d’équité territoriale qui permettra notamment la création d’un service immobilier, besoin urgent pour un territoire où se construit pratiquement un collège par semaine. Dans un autre registre, l’article 15 qui tend à redonner un statut dérogatoire aux corps des PSyEN et des CPE sécurise la situation de ces personnels, même si nous nous interrogeons sur la solidité d’une démarche qui consiste à contourner ainsi le statut général de la fonction publique.

Détricotages à tous les étages

D’autres visent à détricoter des mesures importantes de loi de Refondation, et c’est une logique que le Sgen-CFDT désapprouve fortement. Le temps du système éducatif est un temps long, et prendre un virage tous les 5 ans pas tenable, ni pour les personnels, ni pour l’efficacité même des politiques publiques d’éducation.

Devenir du CNESCO

Il en est ainsi du CNESCO. Si l’exposé des motifs de la loi s’appuie sur l’avis de la Cour des Comptes pour justifier sa suppression il néglige le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée Nationale en date du 27 septembre 2017. Celui-ci recommande de confier au Cnesco une mission d’impulsion, de coordination et de régulation au niveau des instances ministérielles de l’évaluation. Il rappelle que le Cnesco a « contribué à diffuser la culture de l’évaluation au sein de l’Éducation nationale mais n’a pas pu remplir, faute de moyens, toutes ses missions ». Il reconnait la qualité des travaux menés par le Cnesco ainsi que sa nécessaire indépendance et fait plusieurs propositions pour le renforcer dans ses missions et ses travaux.

La composition prévue actuellement pour le Conseil d’Evaluation de l’Ecole tourne aussi le dos aux recommandations du CESE dans son avis de septembre 2015 intitulé « promouvoir une culture de l’évaluation des politiques publiques ». La troisième chambre de notre République recommande notamment de « favoriser la pluralité des points de vue et [d’]associer les parties prenantes (décideurs politiques, bénéficiaires, agents) aux différentes étapes du processus évaluatif ».

De tels avis et recommandations, ainsi que l’impératif de continuité des politiques publiques, invitent à réfléchir aux nécessaires évolutions du CNESCO plutôt qu’à sa suppression.

ESPE : bien au-delà d’un changement de nom

Il en est ainsi des ESPE. Leur création par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013 a entériné la revendication du Sgen-CFDT qu’enseigner est un métier qui s’apprend dans le cadre d’une formation universitaire. Le dispositif de formation actuellement mis en œuvre dans les ÉSPÉ au sein des masters « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation » (MEEF) nécessite d’être stabilisé et renforcé. L’architecture et le cahier des charges de la formation et du recrutement des enseignant·es et des personnels d’éducation doivent être repensés pour permettre un continuum de formation de la licence aux premières années d’enseignement, deux années consécutives de formation en alternance dans le master MEEF et une mise en responsabilité progressive et rémunérée.

Ce chantier d’ampleur bien mal engagé par ce projet de loi : le changement de nom semble indiquer un resserrement des missions des nouveaux instituts vers la seule formation des professeurs, aux dépens des troisième et quatrième mentions des master MEEF. En particulier, la suppression de la mention des métiers d’éducation est catastrophique pour la formation des futurs CPE et contribuerait à les marginaliser au sein du système éducatif. Enfin, la dénomination d’institut national, outre son caractère paradoxal au regard du territoire académique de ces instituts, vise manifestement à nier les acquis de l’universitarisation de la formation et apparaît comme une condamnation des efforts réalisés par les ESPE pour s’adapter au contexte spécifiques de leurs académies. Au lieu d’un renforcement c’est bien d’une déstabilisation qui s’agirait. Le Sgen-CFDT a ainsi déposé un amendement visant à maintenir le nom actuel. Dans le cas où l’administration n’accepterait pas cet amendement, le Sgen-CFDT demande instamment que le mot « éducation » apparaisse explicitement dans la nouvelle appellation retenue. Dans le même ordre d’idées le changement de mode de désignation du directeur des futurs ESPE qui tendra à écarter complètement le conseil d’école ne résoudra pas la problématique de la construction d’une gouvernance partenariale efficiente.

Nous l’avons dit en introduction, l’architecture réglementaire encore très floue reste à construire, et dans cette phase le dialogue social sera essentiel, sous peine d’aller vers une loi pour rien…