La Loi pour l'égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a 20 ans ; l'occasion pour la CFDT Éducation Formation Recherche Publiques de regarder dans le rétroviseur l'évolution de son déploiement au sein des écoles et établissements scolaires.
Le 11 février 2025 était promulguée la Loi pour l’égalité des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il ne s’agissait plus d’intégrer, mais d’inclure les personnes en situation de handicap dans la société, notamment en prenant mieux en compte l’environnement. Pour l’École, c’est une petite révolution qui débute en 2005. Pour la CFDT, si le principe d’inclusion n’est pas à remettre en cause, il s’agit maintenant de passer du quantitatif au qualitatif. Aujourd’hui, ce sont 519 000 élèves en situation de handicap (Source Ministère) contre 130 000 en 2005 qui sont scolarisés au sein des établissements scolaires en France. Si l’on peut se satisfaire du respect des droits des enfants à la scolarité, texte pris par l’ONU en 1946, beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour que cette inclusion en milieu scolaire se passe au mieux. Formation des personnels, recrutement et rémunération des AESH/APSH, liens avec le médicosocial, adaptation des locaux aux différents handicaps, des chantiers qui ont connu des fortunes diverses.
L’accessibilité des locaux scolaires : un enjeu important
En 2005, peu de bâtiments scolaires étaient accessibles aux personnes en fauteuil : absence de rampes d’accès, portes pas assez larges, absences d’ascenseurs pour accéder aux classes à l’étage. 20 ans plus tard, la situation est très inégale sur le territoire. Si, notamment dans les grandes agglomérations, de nombreux bâtiments scolaires se sont vus dotés d’équipements les rendant accessibles, la situation est souvent inverse dans de nombreuses communes rurales. Il est vrai que le coût de ces installations est très important et que les aides sont souvent insuffisantes pour aménager comme il se doit une petite école rurale notamment dans des structures qui, pour certaines n’ont que peu évolués depuis les Lois Jules Ferry imposant aux communes la création d’une école publique. C’est aussi le cas par exemple dans les lycées professionnels où le coût des équipements pour permettre une formation est très important. Pour exemple, une cuisine adaptée permettant la formation aux métiers de bouche coûte en moyenne 50 000 €. Cette charge d’aménagement, beaucoup de collectivités ne peuvent la supporter ces dernières années, elles qui ont vu leurs dotations fortement impactées par le coût de l’énergie et la baisse des aides de l’État.
AVS puis AESH : des personnels indispensables en manque de reconnaissance
Dès 2005, en passant de l’intégration à l’inclusion, la scolarité des élèves en situation de handicap a été rendue possible grâce au recrutement d’Assistants de Vie Scolaire (AVS) un métier qui a vu son nom changer en 2014 pour devenir AESH (Accompagnant·e d’Élèves en Situation de handicap). Si la création de ce métier (création qui remonte à 1983) permet aux élèves en situation de handicap de bénéficier d’un soutien aux apprentissages au sein de l’École, la rémunération et par là même la reconnaissance du métier est très insuffisante. Le recrutement de ces agents a connu une accélération en 2015 suite aux pressions de l’Union Européenne, la France étant très en retard dans le déploiement de l’inclusion scolaire. Ce sont aujourd’hui plus de 140 000 AESH (88 502 ETP) qui accompagnent les élèves, faisant de ces personnels le 3ème corps de l’Éducation nationale en nombre. La Loi de 2005 a pour cet aspect quantitatif été plus ou moins atteint. Cependant, devant une rémunération toujours insuffisante, un manque de formation criant, le turn-over chez les AESH est important. Et si l’on ajoute à cela une institution peu empathique déplaçant du jour au lendemain des AESH au détriment des enfants suivis, rien d’étonnant à ce que ces agents soient en manque de considération pour leur professionnalité.
Une formation initiale et continue à l’inclusion en milieu scolaire aux abonnés absents
25 heures en formation initiale, c’est en tout et pour tout ce dont bénéficient les enseignants comme formation autour de l’inclusion scolaire. Pourtant, l’axe formation des personnels étaient bien présents, la Loi prévoyant des cours sur le handicap dans le cursus professionnel des enseignant·es. Il semblerait que cette priorité soit passée au profit d’autres, plus didactiques. Ainsi, moins de 1 % des journées stagiaires durant l’année scolaire 2023-2024 selon le schéma directeur sont consacrés à l’adaptation des enseignements aux besoins des élèves, notamment ceux en situation de handicap — un chiffre en décalage complet par rapport aux remontées de besoins dans le domaine.
C’est donc bien là l’un des maillons faibles du déploiement de la Loi de 2005, un manque qui entraine chez les professionnels un mal-être au travail voire une dégradation des conditions de leur travail. Pourtant, les demandes pour appréhender la scolarité des enfants en situation de handicap sont régulièrement remontées vers la hiérarchie, qui reste pourtant sourde aux attentes. Le Ministère pratique donc la stratégie du nombre, communiquant largement sur les effectifs d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire au détriment du « comment cela se passe ». Pour la CFDT, il ne faudrait pas que cela entraine un rejet massif de l’inclusion, du fait d’une institution qui n’en mesure pas les conséquences. Sans moyens, sur le terrain, les collègues doivent gérer pourtant l’accueil de l’enfant, souvent seuls sans professionnels formés à leurs côtés, une situation qui a des conséquences à tous les étages de la pyramide de décisions.
Des enfants aux handicaps multiples auxquels les professionnel·les ne sont pas en mesure de répondre
Les ULIS écoles et collèges, les classes intégrées dans les écoles se sont développées, rendant l’inclusion plus facile au sein des écoles et des établissements scolaires. Cependant, dans le même temps, le nombre d’enfants bénéficiant d’une notification handicap délivrée par les MDPH a connu une hausse exponentielle, la Loi ayant joué en la matière son rôle pour sensibiliser les familles et les institutionnels à la nécessité d’adapter le parcours des élèves. Parallèlement, le nombre de places en établissements médico-social a stagné malgré un nombre d’orientations qui s’est accru.
Conséquence : un embouteillage qui entraine à la fois une augmentation du nombre d’élèves en ULIS ou encore des enfants orientés maintenus en classe ordinaire. Quid des personnels formés, de la possibilité de bénéficier de l’expertise des personnels du médicosocial ? De ce côté, les passerelles voulues par la Loi en sont encore au stade embryonnaire. Si des expérimentations fonctionnent localement, c’est avant tout le fait de l’investissement de certains collègues. L’arrivée des Pôles d’Appuis à la Scolarité doivent pouvoir ainsi changer la donne. Les collaborations entre le ministère de la Santé et le ministère de l’Éducation nationale s’installent enfin, reste à ce que cela s’inscrive maintenant dans la durée.
La route est encore longue pour que cette Loi 2005 soit opérationnelle
20 ans après, la Loi a permis de changer la donne quant à la scolarité des enfants en situation de handicap. On est cependant encore loin d’une véritable inclusion scolaire respectueuse de toutes et tous et notamment de la création d’un parcours inclusif de l’élève. Pour la CFDT, l’inclusion sera une chose acquise quand elle ne fera plus débat dans la société.