Retrouvez ici la déclaration au CSA du 20 octobre 2023 du Sgen-CFDT Lorraine.
La déclaration
Nous sommes aujourd’hui réunis dans la salle du conseil de notre académie inaugurée par vos soins, ce lundi en l’honneur de Samuel Paty et nous vous en remercions.
Aussi, c’est avec émotion que nous commençons en ce CSA de rentrée par rendre hommage à notre collègue Dominique Bernard assassiné par un terroriste islamiste ce 13 octobre presque 3 ans jour pour jour après l’assassinat cruel de Samuel Paty. Toutes nos pensées vont à sa famille, ses proches, ses collègues, ses élèves.
Les mots que nous écrivions, il y a 3 ans, sont désolément à nouveau d’actualité, ils étaient ceux-ci :
« Malheureusement, l’occasion est une nouvelle fois donnée de rappeler la nécessité de lutter contre l’islamisme terroriste, sans amalgame, sans instrumentalisation.
Malheureusement, l’occasion est une nouvelle fois donnée de rappeler la nécessité de construire une République unie et fraternelle, diverse et
respectueuse, éclairée et apte au débat démocratique.
Malheureusement, l’occasion est une nouvelle fois donnée de rappeler la nécessité de soutenir et accompagner au mieux les enseignants dans leur action quotidienne.
Les équipes restent dans l’attente d’une mise à disposition d’un temps significatif pour travailler sur cette problématique.
Nous n’y arriverons pas seuls. C’est par une politique éducative ambitieuse dans le cadre de l’École publique et laïque impliquant les mouvements d’éducation populaire complémentaire de l’enseignement public et les collectivités territoriales, que nous transmettrons et ferons vivre les valeurs de la République, que nous ferons reculer les périls obscurantistes et que nous garantirons nos libertés. »
Aujourd’hui, l’ensemble de la communauté éducative (agents, élèves, familles) a besoin d’être rassuré. Mais, la réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire.
Passés le choc et le temps du recueillement, au Sgen-CFDT Lorraine nous pensons que la gestion de crise ne permet ni n’excuse tout.
Ainsi, demander aux équipes de se transformer en agents de sécurité dès le lundi matin est pour le moins contestable.
Nous rappelons à notre employeur, que l’article L4121-1 du Code du travail, s’applique également aux employeurs publics et stipule que « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
La demande d’application de cette nouvelle procédure ne serait-elle pas un aveu d’impuissance face à cette obligation, puisque demande est faite aux équipes d’assurer elles-mêmes leur propre sécurité.
L’ensemble de la communauté éducative est aujourd’hui dans l’attente d’une réflexion construite à ce sujet. Car, à travers l’assassinat de notre collègue, c’est l’école dans son ensemble qui est visée pour ce qu’elle enseigne, pour ce qu’elle représente, pour ce qu’elle est : le vecteur de la transmission humaniste de la philosophie des Lumières.
Mais, nous aurons certainement l’occasion de revenir sur ces attentes car ce qui nous est proposé aujourd’hui ne nous convient pas.
Les mesures de sécurité annoncées ne seront, à nos yeux, d’aucune utilité. Elles ne règlent pas le problème sécuritaire, elles renforcent en revanche le sentiment d’insécurité et de peur chez les agents, les élèves et leurs parents. C’est exactement ce dont rêvent les terroristes : nous faire peur et nous diviser.
En ce qui concerne le bilan de rentrée et l’organisation de l’année scolaire à venir, certains points préoccupent fortement le Sgen-CFDT Lorraine et rejoignent ce que nous venons d’énoncer.
Le sort envisagé pour la formation continue des enseignants est inquiétant.
Comme le rappelle le dernier rapport de l’OCDE sur l’école, la formation continue est fondamentale pour la réussite de tous les élèves et l’épanouissement professionnel des personnels.
Or, le « dogme » du ministère d’organiser 100% des formations hors de temps de classe aura pour principale conséquence le désengagement des personnels.
Cette politique est inacceptable, d’autant plus dans le contexte actuel, où le besoin d’outiller les personnels sur l’enseignement de la laïcité et des valeurs républicaines est criant.
Rappelons que le temps de travail invisible est largement investi par la préparation des cours et l’auto-formation. Surcharger ce temps conduira à l’épuisement des personnels, personnels qui semblaient déjà, au bout de trois semaines dans l’état d’une fin d’année scolaire ordinaire.
Pour le 1er degré : La campagne carte scolaire s’ouvrira bientôt. Nous ferons le constat d’une dynamique de baisse continue de la démographie scolaire. Dans ce contexte, nous demandons une attention forte aux populations les plus fragiles (rurales et urbaines), à la maternelle, aux conditions d’inclusion scolaire.
La politique de l’Ecole inclusive reste très problématique. Le Sgen-CFDT est fortement attaché à ce principe, mais à condition d’y mettre les moyens nécessaires. En mutualisant les suivis, nous avons réduit à peau de chagrin l’accompagnement des élèves, complexifié les tâches des AESH. En rendant l’instruction à l’école maternelle obligatoire, nous mettons en difficulté les enseignants de maternelle qui font face à de nouvelles problématiques, notamment une prise en charge des élèves à troubles du comportement trop lente. Vous l’aurez compris, le mal-être est grandissant ; nous constatons réellement un sentiment d’isolement voire d’abandon des personnels enseignants et accompagnants, faute de moyens en ressources humaines et de formation, faute de places dans le secteur spécialisé.
Avec l’appui du récent rapport de l’Association Autonome de Solidarité Laïque sur le climat scolaire, nous vous alertons sur ce point.
En parallèle, le nombre grandissant des déclarations dans le registre SST parle de lui-même, les enseignants français sont en souffrance. Les réponses apportées dans ce registre ne sont pas à la hauteur des attentes de nos collègues, ils manquent réellement de soutien de la part de la hiérarchie. Nous subissons de plein fouet, les conséquences des années de “pas de vague”. Il s’agirait désormais de passer aux actes et d’apporter à l’Ecole une réponse adaptée en termes de moyens humains et financiers plutôt que de faire croire auprès de l’opinion publique, que seule une meilleure rémunération des enseignants palliera tous les maux de la société.
D’ailleurs les années se suivent et se ressemblent. En effet, afin de pallier les difficultés de recrutement et le manque de personnels, le recours aux contractuels ou au PACTE ne suffisent pas. Du moment où le personnel ne sera pas respecté, rien ne changera. Pour ne citer qu’un exemple, la mise en paiement des contractuels qui semble une nouvelle fois peiner à se mettre en place en ce début d’année est inacceptable, renvoie une image négative de la profession.
Pour conclure, nous sommes dorénavant au pied du mur, il est grand temps de mettre en place une véritable politique éducative concertée, globale et qualitative.
Je vous remercie pour votre écoute.