Suite au Conseil Syndical du 19 octobre, voici la motion d'actualité du Sgne-CFDT Lorraine.
Le monde de l’Education est en deuil.
Le vendredi 13 octobre 2023, près de trois ans jour pour jour après l’assassinat de notre collègue Samuel Paty, un autre enseignant est mort sous les coups du terrorisme islamiste.
Dominique Bernard, notre collègue, a été visé simplement parce qu’il était prof. Et cette fois, les faits se sont passés au sein même de son établissement scolaire.
Les membres du conseil syndical du Sgen-CFDT Lorraine, réunis ce jour, partagent la peine et la douleur de la famille de notre collègue ainsi que de l’ensemble de la communauté éducative de France.
Cependant, passé le choc et le temps du recueillement, en tant qu’organisation syndicale, nous pensons que la gestion de crise ne permet ni n’excuse tout.
Organiser un temps d’hommage à notre collègue était une évidence. L’institutionnaliser au point d’envoyer des mails sur les boites professionnelles tout au long du week-end en est une autre.
Premier message de notre ministre le samedi 14 octobre en début d’après-midi, quelques heures après s’être exprimé à l’occasion de la remise du Prix Samuel Paty.
Dans ce mail, il signifie aux professeurs des écoles qu’ils pourront avoir un temps d’échange sur ce drame lors de leur pause méridienne du lundi 16 octobre.
Toujours dans ce mail, M. Attal appelle les employeurs à « être tolérants avec leurs salariés parents d’élèves, contraints d’arriver un peu plus tard au travail ».
L’Etat employeur quant à lui, dans sa grande tolérance, décrète que les professeurs des écoles devront échanger lors de leur seule pause de la journée.
Second mail du Recteur, envoyé aux directeurs et chefs d’établissement le dimanche à 19h. Cette fois, il est demandé aux équipes enseignantes, aux CPE et aux AED de se transformer en agents de sécurité et de surveillance dès le lundi matin.
Nous rappelons à notre employeur que le droit à la déconnexion figurant dans l’accord télétravail du 13 juillet 2021, s’applique à tous les agents de la fonction publique.
Nous rappelons également à notre employeur, que l’article L4121-1 du Code du travail, s’applique également aux employeurs publics et stipule que « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
Le mail envoyé aux chefs d’établissement est donc un aveu d’impuissance face à cette obligation, puisqu’il demande aux équipes d’assurer elles-mêmes leur propre sécurité.
Les heures face à élèves ne sont pas extensibles, les 1607h annuelles ne sont pas un fourre-tout dans lequel on ajoute des missions au gré de l’actualité. Sans quoi, il faudrait modifier en ce sens le référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation.
Pendant combien de temps encore l’Ecole pourra-t-elle rester « debout », sans plier sous le poids des multiples injonctions : contrôles de sécurité à l’entrée, prévention et lutte contre le harcèlement, empathie, savoir rouler à vélo, 30 minutes d’activité physique quotidienne, éducation à la sexualité, éducation aux médias et à l’information, laïcité (liste non exhaustive) … N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Evidemment, tout ceci sans aucune formation à ces nouvelles missions. Et pour toute la chaine hiérarchique, une exigence à leur mise en application dans des délais si contraints que cela en devient irréalisable car irréaliste.
Sur de telles bases, l’Ecole ne pourra pas réparer tous les maux de la société. Les personnels de l’Education méritent mieux que des louanges lorsque surviennent des drames contre le mépris et l’indifférence le reste du temps. Héros d’un jour, mais pas toujours.
L’Ecole a besoin de temps long, pas d’un ministre qui surfe sur la vague de l’émotion et en profite pour faire fi de ses obligations d’employeur.
De plus, nous dénonçons l’inutilité des mesures de sécurité annoncées, qui, à nos yeux, ne remplissent pas leur rôle de dissuasion face à une menace terroriste bien réelle. Le contrôle visuel des sacs pourrait être considéré comme un signe de faiblesse et donner raison aux actes terroristes qui cherchent à instiller la peur.
Ainsi, loin de régler le problème sécuritaire, ces mesures renforcent le sentiment d’insécurité et de peur chez les agents, les élèves et leurs parents. C’est exactement ce dont rêvent les terroristes : nous faire peur et nous diviser!
L’essentiel de la lutte antiterroriste c’est ce que nous faisons et ferons dans nos classes. Nul besoin de faire penser à nos élèves que nous n’avons pas confiance en eux en rendant obligatoire le contrôle visuel de leur sac… Lutter contre le terrorisme c’est au contraire faire preuve de lucidité, d’unité, de courage et de bon sens.
Aussi, nous demandons au ministère de l’Education Nationale de la Jeunesse et des Sports, de se conformer strictement à la législation en vigueur. Et ce, quelle que soit la gravité de la situation à laquelle il a à faire face.