Communiqué de la Section Enseignement Supérieur du Sgen­Cfdt Lorraine

Face aux événements violents que nous avons connus sur des campus de Nancy et Metz, la section Sgen-Cfdt de l’Université de Lorraine a partagé l’émotion de toute la communauté universitaire.

Pour rester fidèle à elle-même, notre communauté doit choisir d’autres voies et maintenir coûte que coûte ses valeurs de liberté, de respect des divergences d’analyse et d’opinion, de dialogue constructif et argumenté. Nous appelons donc à l’organisation d’un débat serein, impliquant toutes les instances et tous les acteurs de l’UL pour que collectivement nous fassions face aux enjeux d’une formation universitaire de service public pour les étudiants qui nous font confiance. Et aucun ne doit être mis de côté.

La loi ORE (Orientation et réussite des étudiants), qui ne se résume pas à la mise en place de Parcoursup, fait évoluer un système qui n’était pas satisfaisant et apporte un certain nombre d’améliorations, vers plus de justice sociale, même si beaucoup reste à faire pour qu’elle porte entièrement ses fruits :

  • Elle introduit un droit à l’accompagnement pour la réussite des jeunes les plus éloignés des codes universitaires, qui sont majoritairement issus des familles populaires. Cet accompagnement, quand il se déploiera pleinement, facilitera les changements de parcours (de bac techno à licence générale par exemple), pour les jeunes dont les projets évoluent, ce qui est normal à leur âge. C’est surtout le seul moyen de sortir de la sélection, réelle mais cachée, qui sévit actuellement dans les formations universitaires, où tout le monde peut s’inscrire, mais où tout le monde est très loin de réussir. Alors, plutôt que de fermer les yeux sur cette réalité, mieux vaut aider à la construction de parcours personnalisés et prévoir des dispositifs spécifiques pour aider les étudiant.e.s. qui n’ont pas eu le « bon » parcours. Favoriser la réussite de tous, au lieu de se contenter de laisser les étudiants affronter seuls leurs difficultés, n’est-ce pas le rôle d’une université de service public ?
  • Elle introduit des quotas de bacheliers boursiers dans les filières sélectives (y compris dans les CPGE), ce qui est une avancée fondamentale pour briser les déterminismes sociaux et ne pas réduire le recrutement des étudiants à un simple examen des notes non contextualisé. C’est un premier pas aussi pour briser la logique dominante de tri des filières sélectives, qui ont pour beaucoup la même manière de déterminer ce qu’est un « bon dossier » : la filière (S, de préférence), et les notes !
  • Elle introduit des quotas de bachelier technologiques/pros dans les IUT/BTS, alors que depuis des années ces filières sélectives, prévues pour faciliter la poursuite d’études après ces formations professionnalisantes, rejettent souvent ces lycéens : certaines filières d’IUT privilégient ainsi largement les bacheliers généraux, privant les bacheliers technologiques d’accès à l’enseignement supérieur, car cela les oblige à se replier sur des formations plus généralistes pour lesquelles ils ne sont pas préparés. N’est-il pas enfin temps que les bacheliers pro et techno puissent, eux aussi, avoir accès aux filières de leur choix ?
  • Elle introduit de la transparence sur les procédures de sélection des dossiers dans les filières sélectives y compris celles des universités, ainsi qu’un renforcement des dispositifs d’aide à l’orientation en lycée : la réforme garantit un droit à l’information des candidats.
  • Elle a déjà créé 22 000 places supplémentaires pour les étudiants, avec des postes d’enseignants et de biatss, dans l’enseignement supérieur public, et d’autres seront encore créés d’ici la rentrée : ce n’est pas suffisant mais c’est mieux que le rien des années précédentes !
  • Elle est accompagnée, pour la première fois depuis longtemps, d’un financement pluriannuel : 950 millions d’euros sur 5 ans !

Cela n’est certes pas suffisant.

Le Sgen-Cfdt et la FAGE ont d’ailleurs soumis au vote du CNESER (Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche) une motion demandant des moyens supplémentaires. Mais elle n’a pas été adoptée car les organisations opposées à la loi ont refusé de la voter, jouant ainsi la politique du pire !

Le Sgen-Cfdt a aussi régulièrement alerté sur les dangers d’une mise en œuvre trop précipitée d’une réforme aussi importante. Nous aurions préféré que sa mise en place soit moins rapide, pour mieux anticiper les problèmes. Mais, devant le refus absolu et très clair du gouvernement, nous avons fait le choix du pragmatisme. Nous avons ainsi déjà obtenu des moyens supplémentaires et des aménagements pour l’an prochain (fin de l’obligation pour les filières non-en-tension de classer les candidats, en utilisant un système de surbooking qui permet d’afficher d’emblée aux lycéens qu’on les prendra tous, etc.), et nous continuerons à nous battre pour que les mutations indispensables du système d’enseignement supérieur se fassent sans nuire aux personnels et au profit de tous les étudiants.

Il est clair que nombre d’éléments de la réforme (par ex. les dispositifs d’accompagnement à la réussite) ne pourront vraiment se déployer qu’à partir de l’an prochain : il faut du temps pour changer un fonctionnement aussi complexe que celui de l’université, et ce n’est pas en jugeant sur ce qui se passe durant les trois premiers mois d’une réforme qu’on peut réellement en déterminer tous les impacts, aussi bien négatifs que positifs. Nous appelons donc à prendre le temps de s’approprier les changements qui, rappelons-le, seront ce que les universitaires veulent en faire : ce sont les universitaires qui décident des critères éventuels de tri des dossiers, ce sont eux qui décident comment ils veulent accompagner les étudiants !

Au-delà du financement de la loi ORE, le Sgen-Cfdt revendique 1,5 milliard d’euros par an pour l’ESR afin :

  • de faire face à la hausse démographique,
  • d’accueillir les étudiants dans de bonnes conditions,
  • de permettre les recrutements indispensables à l’amélioration des conditions de travail de tous les agents !

Il faut aller plus loin qu’une simple exigence financière :

Il faut refuser toutes les formes de sélection en dénonçant l’existence d’un système de formation post-bac à deux vitesses : d’un côté des filières non sélectives, devant accueillir tous les candidats et victimes d’un sous-investissement chronique depuis des décennies ; d’un autre côté des filières sélectives, choisissant leurs étudiants, financées très largement, et qui peuvent ainsi proposer aux étudiants des taux d’encadrement et des dispositifs d’accompagnement importants.

Le Sgen-Cfdt demande l’ouverture d’un débat sur l’existence de ce système de formation post-bac à deux vitesses, très discriminant socialement. Il propose de se mobiliser pour exiger un financement des filières non sélectives à la même hauteur que celui des filières sélectives. Car tous les jeunes ont droit à la même considération. Ils ont à nos yeux autant de valeur, quelle que soit leur origine sociale et la formation qu’ils suivent.

La section Sgen-Cfdt Enseignement Supérieur de Lorraine