« Les SEGPA » : le film tiré d’une série déjà stigmatisante

Cyril Hanouna annonce fièrement la sortie en avril 2022 d'un film qu'il co-produit : les SEGPA ! Un dérivé de la web-série montée à 2 millions d'abonnés, en faisant passer les élèves de SEGPA pour des demeuré.es encadré.es par des psychopathes. Mais comment agir face à une telle stigmatisation ?

Le Sgen-CFDT s’associe à la dénonciation de ce film « Les SEGPA » lancée par Rachid Zerrouki sur Twitter en réaction à un post de Cyril Hanouna, suivie ensuite par de nombreuses voix. Vous pouvez vous y associer en signant cette pétition.

La série on la connaît et on la critique depuis 2016. Elle fait rire les ados (y compris de SEGPA… mais d’un rire plus jaune…) parce qu’on y voit des jeunes adultes dont on a l’impression qu’ils ont redoublé dix fois, parce qu’ils se permettent tout et n’importe quoi et que les profs qui leur font face ne sont pas en reste et dépassent largement les bornes.
Et c’est drôle de casser les codes et de dépasser les limites, surtout quand on a 14 ans…
Oui mais… cela pourrait être tolérable si tout le monde en prenait pour son grade et que tout le système était caricaturé.
Mais dans cette websérie, ce sont bien des élèves de SEGPA déjà bien malmenés qui sont pris pour cible et considérés comme des abrutis.
Trop facile… et stigmatisant pour des élèves comme « les SEGPA » au collège ou « les STMG » au lycée (vous connaissiez peut-être « les SES » ou « les CPPN » à une autre époque…), des expressions qui sont des insultes sur les réseaux sociaux (il suffit de faire une recherche sur l’un d’entre eux pour s’en rendre compte).

La caricature a été inventée pour se moquer des puissants, pas des plus fragiles !

segpa

Et si on poursuivait le débat sur « les SEGPA » ?

Cette affaire aura au moins eu le mérite de mettre en lumière le sort réservé à ces élèves qui n’ont pas les relais médiatiques d’autres sections plus prestigieuses…
Un élément de toute cette navrante histoire est plus qu’ennuyeux et ne disparaitrait pas avec la suppression du film : ce stigmate, cette étiquette, ce n’est pas Cyril Hanouna qui l’a collée. On peut certes dénoncer le fait qu’il la surligne avec un stylo jaune fluorescent, mais elle était déjà là.
On s’offusque : « il vient renforcer un harcèlement qui était déjà présent dans les collèges »? Mais d’où provient-il ce harcèlement ?
Le Sgen-CFDT travaille avec ATD Quart Monde sur le projet CIPES depuis 5 ans.
Ce travail de long cours a permis de mettre en évidence le fait que de nombreux enfants étaient orientés dans ces sections du fait de leur origine sociale.
Dit autrement, à résultats scolaires équivalents, les parents de milieux plus favorisés trouveront d’autres solutions et éviteront la SEPGA pour leurs enfants.

C’est ainsi que l’on retrouve plus de 80% d’enfants de milieux défavorisés dans ces sections.

Nous ne nous satisfaisons pas d’une telle ségrégation sociale et c’est bien aussi à une stigmatisation structurelle qu’il faudrait s’attaquer en plus de celle entretenue dans les cours de récré ou sur internet. Nous devrions être capables d’accueillir tous ces élèves dans un collège unique, sans étiquettes stigmatisantes, mais au sein duquel plusieurs parcours pourraient être possibles et donc mieux respectés. En commençant par proposer des cours en ateliers à tous les élèves et pas seulement aux élèves de SEGPA, par exemple. La revalorisation de la voie professionnelle et des « premiers de corvée » restera une incantation si elle n’est pas accompagnée de telles mesures.

Plus d’étiquettes, plus d’étiquetage…