Le SNAMSPEN/Sgen CFDT, en la personne de sa secrétaire générale, a été sollicité le 4 juin pour éclairer un Conseil Citoyen constitué par le CESE pour qu’il donne son avis sur la vaccination des enfants contre le virus SARS-Cov2.
Force est de remarquer que l’avis de ce conseil citoyen à rendre pour le 5 juin n’a pas été attendu par l’instance politique : le Président de la République a annoncé dès le mercredi 2 juin 2021 la campagne de vaccination des plus de 12 ans.
Le débat avec le Conseil citoyen, réunissant un panel de 30 personnes, a porté sur l’éthique de la vaccination contre la COVID chez les enfants et adolescents, ainsi que sur la faisabilité d’une telle vaccination au sein de l’école.
Médecins de l’éducation, nous sommes particulièrement sensibles à la protection et à la prévention de la santé des enfants et nous ne sommes pas des « complotistes antivaccins » : nous nous posons des questions sur la vaccination des mineurs !
En termes d’éthique, ont été défendus les points suivants :
Vacciner des enfants et adolescents porteurs de comorbidités fait sens pour tout le monde
La nécessité de vacciner des enfants et adolescents porteurs de comorbidités et en risque face à l’infection par le Sras-Cov-2 fait sens pour tout le monde. En ce qui concerne la vaccination des mineurs sans pathologie et donc sans risque d’infection sévère ou létale, l’objectif avancé pour une telle campagne vaccinale de masse est celui d’une immunité collective à atteindre, en dehors de tout bénéfice réel pour la santé des enfants.
Rappelons qu’il reste de nombreux adultes non vaccinés, réfractaires au vaccin parfois, qui pourraient participer à cette immunité collective et qu’il faudrait pouvoir vacciner avant de se servir des enfants pour cela.
L’enfant ou l’adolescent reste un sujet de droit, qui ne peut être utilisé de façon « altruiste » et sans réel bénéfice pour sa santé. Comment dans ce cadre recueillir de façon éthique son consentement éclairé par des données scientifiques probantes, produites en dehors de tout liens d’intérêts et qui font défaut à ce jour ? Les données actuelles font état d’hospitalisation, voire de décès chez des jeunes qui sont majoritairement atteints de comorbidités.
mais quel est « l’intérêt suprême » de l’enfant en bonne santé pour cette vaccination ?
Rappelons alors la Déclaration Universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme avec un consensus de 193 pays qui stipule que « toute intervention médicale préventive ne doit être effectuée qu’avec le consentement préalable, libre et éclairé de la personne concernée, et fondé sur des informations suffisantes ». Elle note également (article 2) que « le seul intérêt de la science ou de la société » ne doit pas prévaloir (2005) ».
La campagne vaccinale actuelle en direction des enfants et des adolescents est pourtant bien conduite dans le but de retrouver une vie sociétale et économique normale et non fondée sur des critères liés à un avantage direct et évaluable pour la santé des enfants.
Quel est « l’intérêt suprême » de l’enfant en bonne santé pour cette vaccination ? Cette notion de droit international privé introduite en 1989 par la convention des nations unies relatives aux droits de l’enfant, est entendue comme la prise en compte de la personne et du point de vue de l’enfant dans toutes les décisions qui peuvent le concerner, qu’elles émanent d’états d’institutions publiques, privées, de tribunaux ou d’administrations.
Quel recul pour assurer un éclairage déontologique acceptable envers le mineur, alors que la balance bénéfices/risques pour ce jeune en bonne santé penche assurément du côté des risques, puisque les infections sévères et la mortalité n’existeraient pas en dehors de pathologies sous-jacentes sévères ?
Avancer que l’immunité collective permettra assurément à tout un chacun de retrouver une « vie normale » est une supputation qui ne repose sur aucune preuve scientifique ou sociologique.
Alors qu’il nous apparait indispensable d’assurer la vaccination contre des infections potentiellement graves voire mortelles chez l’enfant en bonne santé (rougeole, diphtérie, tétanos…), il semble au regard des données actuelles, insuffisantes en quantité et sur le temps, que cette vaccination de masse contre le SARS-Cov-2 comporte aujourd’hui pour l’enfant plus de risques que de bénéfices. On manque assurément de recul et on peine à comprendre cette précipitation …
Des conseils citoyens au Québec, en Israël, un comité d’experts allemands se sont prononcés à l’encontre de cette vaccination générale des enfants et adolescents. Ce dernier insistant à la date du 29 mai 2021 sur le fait « qu’une recommandation ne peut pas être simplement faite parce qu’elle apparaît socialement ou politiquement opportune » (en cela reprenant la déclaration universelle sur la bioéthique) ; notant que « les données sur les effets secondaires sont encore insuffisantes » « La réponse immunitaire d’un enfant peut être différente de celle d’un adulte. C‘est pourquoi nous avons besoin de plus de données ». « L’incidence accrue d’inflammation du myocarde a été notée avec le vaccin Pfizer-BioNtech ». Comme ce comité d’experts, et en accord avec celui-ci, nous estimons que l’objectif devrait être de vacciner ceux qui courent un risque accru de tomber gravement malade : « vacciner les enfants uniquement pour la protection indirecte d’autrui n’est pas une indication vaccinale adéquate » note le comité d’experts allemands.
Quant à retrouver une vie normale pour la jeunesse, elle devrait pouvoir être assurée en priorité par la vaccination des adultes qui ne craindraient plus d’être ainsi malades (l’incidence de la contamination intrafamiliale étant effectivement avérée, la vaccination des adultes est une façon de protéger les enfants).
En ce qui concerne la faisabilité de la vaccination à l’école…
Une fois de plus le médecin traitant et pédiatre de l’enfant semblent écartés de leurs prérogatives de suivi de l’enfant et des connaissances des fragilités des membres de sa famille.
Si l’objectif est de permettre à l’enfant éloigné des soins de bénéficier sur le lieu de l’école d’une prestation de service, cela ne peut se concevoir, non pas dans une campagne flash de vaccination sans la présence des responsables légaux et en l’absence de tout consentement éclairé pour cet acte. Il faudrait envisager une consultation médicale que pourrait offrir le médecin scolaire, à défaut d’un médecin traitant, servant alors une vraie politique étatique de promotion de la santé de tous les enfants, englobant la santé physique, mentale, la réussite scolaire.
Mais cette politique en faveur de la santé des enfants, notamment des plus éloignés du soin, fait défaut : la médecine scolaire, pourtant très attractive par les missions annoncées de son exercice professionnel, est laissée sans politique de recrutement, ni défendue dans les faits par l’éducation nationale ou même le ministère de la santé. Tous deux ne reconnaissent pas les actes nécessaires à la promotion de la santé en faveur des élèves dès lors qu’ils ont plus de 6 ans. Les enfants et les adolescents sont les grands oubliés des politiques publiques en faveur de la jeunesse de ces dernières années. C’est un fait incontestable devant l’abandon de l’état de la médecine scolaire et de la pédopsychiatrie !
La médecine scolaire a perdu la moitié de ses effectifs médicaux depuis les campagnes de vaccination contre l’hépatite virale B et la grippe H1 N1 (2009).
En 2009, les médecins scolaires ont été alors pleinement mobilisés pour lutter contre une infection qui atteignaient les enfants bien portants comme malades, bien que la vaccination ne fasse pas partie de leurs missions : ils ont dû être réquisitionnés. Des équipes mobiles ont été sollicitées pour renforcer les effectifs en personnels de santé. Selon le ministère de l’éducation nationale, 97 % des collèges et des lycées ont été́ visités par les équipes mobiles. Environ 10 % des élèves ont été́ vaccinés (soit 453 000 élèves) et 5 % des personnels. Il n’y a donc eu aucune plus-value en matière d’adhésion de la population grâce à cette campagne selon le rapport du sénat.
Rappelons aussi, l’absence de lieux adaptés à l’exercice de la médecine au sein des établissements scolaires du premier degré, et de façon générale dans le second degré (notre enquête sur l’exercice de médecins scolaires révèle que 55 % des médecins n’ont pas de lieu conforme à l’exercice médical).
Le Conseil Citoyen a émis l’idée de faire des campagnes de communication en faveur de la vaccination au sein des établissements scolaires et élaborées par la communauté éducative puisqu’il est acquis que la vaccination des 12 ans devait avoir lieu !
N’est-il pas temps d’offrir aux jeunes une école où le COVID n’est plus le centre des préoccupations, eux qui sont indemnes des formes graves, et finalement plus souvent contaminés dans leur milieu familial ou social que par l’école ? Les campagnes de communication en faveur de la vaccination ne pourraient-elles pas plutôt s’intensifier en direction des adultes plutôt que de confier et d’imposer aux enfants la mission de l’obtention de l’immunité collective, sans que ceux-ci aient le plein droit de pouvoir la refuser ou la capacité à discriminer les informations venant de toute part et loin d’être consensuelles ?
Quelle communication, basée sur des faits et connaissances scientifiques, peut émaner de la communauté éducative pour monter une campagne de vaccination, alors que les scientifiques ne sont pas en capacité de fournir des données finalisées et validées sur la vaccination des mineurs en bonne santé ?
Décidément, les médecins scolaires que représentent le SNAMSPEN/Sgen-CFDT sont-ils seuls à défendre les droits des enfants, sujets de droits, pour lesquels on attendrait que la société se batte afin qu’ils puissent s’épanouir dans leurs lieux de vie, protégés par des adultes veillant à leur intérêt ?
Les médecins scolaires sont actuellement débordés par les situations complexes des élèves générées en partie par le climat de stress lié à une communication quotidienne anxiogène des médias depuis 2 ans sur la COVID.
Plus que jamais, les enfants et les adolescents doivent pouvoir bénéficier de consultations médicales permettant d’évaluer leur santé mentale, physique, leurs difficultés scolaires, bien plus qu’une campagne flash de vaccin contre la COVID : après cette crise sanitaire, c’est une urgence de santé publique au service des plus démunis socialement, familialement et psychologiquement !
Chez nos élèves, les dégâts générés par les troubles psychiques, l’absence de suivi médical réel permettant de prévenir les troubles et pathologies sont déjà constatés par les médecins scolaires tant l’école est un révélateur des problématiques de la vie de l’enfant : nous peinons à y faire face (30% des médecins de secteur ayant répondu à notre enquête sur l’exercice de médecins scolaires disent avoir eu une activité pour la Covid ayant pris 50% et plus de leur temps d’activité).
Médecins de l’éducation nationale, nous sommes les seuls médecins à être formés au milieu médical, éducatif et scolaire. Au nom du SNAMSPEN/Sgen-CFDT
- Nous demandons à ce que les élèves puissent bénéficier, avec les bonnes pratiques sanitaires désormais adoptées, d’un cadre scolaire apaisé et propice aux apprentissages, libre d’une problématique COVID qui incombe avant tout aux adultes sensés les protéger, en se faisant vacciner eux-mêmes. Ne rajoutons pas un fardeau supplémentaire aux jeunes, en comptant sur leur altruisme : ils ont déjà beaucoup donné et ont été lourdement impactés dans leur bien-être et leur scolarité !
- Nous demandons à pouvoir exercer notre travail de médecin de service public dans l’intérêt éprouvé de la santé des élèves, et notamment de ceux qui ont des besoins particuliers, de façon complémentaire aux médecins traitant ou à défaut, à leur place pour initier le parcours de soins.
- Nous reconnaissons comme centrale la place de nos confrères médecins traitants, pouvant valablement éclairer l’acte vaccinal grâce à une consultation en présence des parents. Le consentement de l’acte vaccinal, avec la balance bénéfices/risques explicitée, en dehors de tout intérêt de la seule collectivité, doit être parfaitement explicité à toutes les familles et les mineurs. Ces derniers peuvent choisir alors de se faire vacciner, pour eux, pour leurs proches fragilisés en toute connaissance de cause.
- Les médecins traitants doivent pouvoir avoir la charge de vacciner leurs jeunes patients qui le nécessiteraient contre la Covid et de mettre à jour les vaccinations obligatoires et utiles, négligées durant toute cette période.
Sans aucune reconnaissance de notre activité par le ministère de la santé, sans définition d’un service de médecine scolaire reconnu avec les moyens de contribuer à une politique de santé publique, ou sans place reconnue comme complémentaire auprès du médecin traitant, nous sommes impuissants pour agir pleinement en faveur de la santé des élèves dans le respect de leur droit et de celui des familles.
La préoccupation du gouvernement devrait enfin se porter sur l’intérêt réel de la santé des enfants et des adolescents, futurs citoyens de demain : retrouver une vie « comme avant » la COVID, ce n’est pas toujours synonyme de bonheur, de santé, et de réussite pour les enfants et les adolescents ! Proposons-leur autre chose que cette vaccination anti-COVID dont l’intérêt, quel qu’il soit, n’est pas assuré pour eux !