Les procédures d'évaluation professionnelle ont des effets sur l'égalité professionnelle. Pour le Sgen-CFDT, les contours de la réforme proposée peuvent permettre de faire reculer les inégalités de carrière entre enseignants et enseignantes.
Les signataires du présent accord s’engagent à réduire les inégalités de rémunération entre les femmes et les hommes
Cette phrase à la deuxième page du protocole d’accord PPCR ne reste pas lettre morte dans les négociations en cours sur l’évaluation professionnelle des personnels d’enseignement, d’éducation et d’orientation.
Suite aux interventions, notamment du Sgen-CFDT, les documents négociés entre juin et septembre 2016 au ministère de l’Éducation nationale prévoient que
Les promotions tiendront compte de l’équilibre femmes-hommes dans chacun des corps s’inscrivant dans les principes et orientations posés par le protocole d’accord signé le 8 mars 2013 et relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique
Une petite révolution
Ces mentions sont une première à l’Éducation nationale pour les corps d’enseignement, d’éducation et d’orientation.
À l’heure actuelle, tous les avancements d’échelon, toutes les promotions de grades se font selon un barème dans lequel la notation chiffrée pèse d’un poids important. Le système de promotion est aveugle à la question de l’égalité femmes-hommes. Au mieux on constate les inégalités sexuées dans les bilans des promotions plusieurs mois après les commissions paritaires, pas toujours avec des indicateurs pertinents. Mais on n’en déduit pas des modifications de règles pour faire advenir plus d’égalité. On attend que les choses s’améliorent « naturellement » alors que toutes les études sur la lutte contre les inégalités sexuées montrent que rien ne s’améliore sans politique volontariste.
Inégalités cumulatives et amplifiées
Des inégalités sexuées, il y en a pourtant.
Dans le second degré, jusqu’à il y a peu, les circulaires de notation administrative prévoyaient que les femmes en congé maternité au moment de la campagne de notation ne soient pas notées… sans prévoir le rattrapage du retard pris au retour du congé maternité. Une année blanche dans la notation administrative, c’est 0,5 ou 0,1 points de moins qu’un homme enseignant à carrière équivalente.
Les quelques données dont nous disposons sur les inspections pédagogiques dans les deux degrés montrent que les femmes sont plus concernées que les hommes par les retards d’inspection… et donc assez certainement par une progression plus lente de leur note pédagogique.
Pour le rythme de changement d’échelon, ce sont ces notes qui classent les personnels. Quelques dixièmes de moins et le risque de passer à l’ancienneté augmente.
Mais ce n’est pas tout, à l’heure actuelle, ces mêmes notes avec le même défaut de construction comptent dans le barème pour accéder à la hors-classe. Par ailleurs, jusqu’à tout récemment, le fait d’avoir accédé aux 10ème et 11ème au choix ou au grand choix apportait une bonification dans le barème hors-classe… les retards pris dans la classe normale pèsent pour l’accès à la hors classe.
Finalement, dans le corps des professeur·es des écoles, les inégalités sexuées sont importantes. A partir des données transmises par le ministère de l’Éducation nationale,
Le Sgen-CFDT estime que 16 % des directeurs d’école promouvables à la hors classe ont été promus en 2015, alors que seulement 8 % des directrices d’école promouvables l’ont été
Le départage ne s’étant pas joué sur les points liés à la fonction, il est probable que les points liés à la note pédagogiques aient joué, sans doute aussi l’échelon mais le déroulement de carrière est lui-même marqué par des inégalités sexuées.
Dans les corps du second degré des inégalités sexuées de durée d’attente entre le moment où l’on devient promouvable à la hors classe et le moment où l’on y accède restent signifiantes.
Demain avec de nouvelles modalités d’évaluation
Moins de connexion entre évaluation et carrière
Le cadencement unique est la règle, les seules réductions d’ancienneté dans les échelons seront liées, soit à l’avantage spécifique d’ancienneté pour les personnels exerçant dans les établissements relevant de la politique de la ville, soit à la réduction d’un an dans le 6ème échelon ou dans le 8ème échelon (réduction connectée à l’évaluation professionnelle).
Même rythme d’évaluation pour toutes et tous, obligation faite à l’employeur et à ses évaluateur·trice·s
Les rendez-vous de carrière qui donnent lieu à l’évaluation de l’engagement professionnel des personnels sont programmés de la même manière pour toutes et tous sur l’ensemble de la carrière :
- au 6ème échelon
- au 8ème échelon
- après 2 ans dans le 9ème échelon
- pour l’accès éventuel à la classe exceptionnelle
Cette programmation uniforme des temps d’évaluation professionnelle doit permettre de réduire les écarts genrés liés aux retards d’inspection.
Moindre poids de l’évaluation dans le passage à la hors classe
Le ministère propose aujourd’hui de concevoir un barème pour le passage à la hors classe qui repose pour une faible part sur l’évaluation et sur une part importante à la durée d’éligibilité à la hors classe. En d’autres termes, plus un·e enseignant·e aura déjà attendu avant d’obtenir le passage à la hors classe, moins son évaluation professionnelle comptera afin d’assurer à chacun·e le passage au deuxième grade. Les personnels ayant obtenu des réductions d’ancienneté n’auront pas de bonification pour le passage à la hors-classe.
Une attention à l’égalité proportionnelle
Le ministère s’engage à ce que les questions d’égalité professionnelle soient réellement prise en compte dans les opérations de promotion et pas uniquement au moment de dresser le bilan. Les commissions paritaires devront veiller à ce que le tableau de promotion assure une égalité proportionnelle entre le pourcentage de femmes et d’hommes parmi les promouvables et parmi les promu·e·s.
Pour le Sgen-CFDT, ces évolutions sont positives et souhaitables en termes d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. C’est notamment sur cette base que le Sgen-CFDT s’implique dans les négociations en cours sur la réforme de l’évaluation. Conserver les modalités actuelles d’évaluation et de promotion contribuerait à conserver des sources d’inégalité professionnelle.
Ce que revendique le Sgen-CFDT
Adaptation du déroulement du rendez-vous de carrière
Le Sgen-CFDT a demandé au ministère d’adapter la procédure du rendez-vous de carrière à la situation des personnels qui ne sont pas face à élèves au moment de leur rendez-vous de carrière et qui ne pourront être convoqué·e·s à un ou des entretiens professionnelles parce qu’ils·elles sont par exemple en congé maternité, en congé parental au moment du rendez-vous de carrière. Ces personnels ne doivent pas être pénalisé·e·s dans leur déroulement de carrière avec le nouveau système.
Formation à une évaluation non discriminante
Le Sgen-CFDT a demandé au ministère de prévoir la formation des évaluateur·trice·s et des évalué·e·s et dans ce cadre de prévoir un travail spécifique sur l’évaluation non discriminante. Pour le Sgen-CFDT, la lutte contre les inégalités professionnelles repose sur une politique volontariste dont un des éléments est la formation à la prise de conscience des biais à l’évaluation afin que les acteur·trice·s de l’évaluation soient en mesure de les contrôler et d’en limiter le plus possible les effets.