Depuis plus de deux ans la CFDT a pris part aux concertations organisées dans le cadre de la réforme des retraites.
Depuis plus de deux ans la CFDT a pris part aux concertations organisées dans le cadre de la réforme des retraites. Si depuis plus de 15 ans notre organisation revendique la création d’un système de retraite universel, plus juste et plus solidaire, la réforme en cours n’est en aucun cas la nôtre et ne saurait souffrir d’aucun chèque en blanc : la CFDT va continuer à pousser ses revendications pour l’amélioration du projet de loi. Adhérents, militants, vous être nombreux à nous poser des questions sur ce futur système : vous trouverez ici des premiers éléments de réponses à vos questions récurrentes.
Tout d’abord plusieurs précisions :
- Les réponses apportées ici pourront être amenées à évoluer, être modifiées; en effet le travail législatif commence à peine, les concertations se poursuivent sur certaines thématiques, …
- Cette liste de questions n’est pas exhautive, nous continuerons à la compléter au fur et à mesure.
- Vous pouvez poser vos questions dans le formulaire contact du site . Pour info : nous ne pourrons peut-être pas répondre à toutes les questions, de nombreux points restent encore à construire et nous ne répondrons pas aux situations individuelles.
- Pourquoi la CFDT souhaite-t-elle une réforme pour un régime universel ?
- Comment la CFDT peut-elle faire confiance à ce gouvernement ?
- Quelle est la différence entre l’âge pivot et l’âge d’équilibre mentionné dans la lettre du Premier Ministre ?
- Pourquoi la CFDT s’est-elle opposée à l’âge pivot ?
- La CFDT a signé un accord sur les retraites complémentaires instaurant un âge pivot, quelle est la différence avec l’âge pivot qui était prévu par le gouvernement ?
- Pourquoi choisir un régime de retraite par points ?
- Comment allons-nous réussir à financer ce nouveau régime qui réunira tous ceux qui existent aujourd’hui ?
- Pourquoi ne pas utiliser les fonds de réserves ou la CADES pour financer le système de retraite ?
- Comment est-il possible que les retraites ne baissent pas si on limite les dépenses à 14% du PIB alors que le ratio d’actifs pour le nombre de retraités va diminuer ?
- Quelle sera la valeur du point ? Pourrait-elle baisser ?
- Comment un système qui prend en compte l’ensemble de la carrière peut-il ne pas pénaliser les personnes ayant des « accidents de vie » ?
- Comment ce système peut-il être plus juste pour les femmes ?
- Comment ce nouveau système ne va-t-il pas favoriser la capitalisation alors que les plus riches pourront faire le choix d’aller cotiser ailleurs ?
1. Pourquoi la CFDT souhaite-t-elle une réforme pour un régime universel ?
L’objectif que poursuit la CFDT en s’impliquant dans la concertation sur la réforme des retraites est de construire un système universel plus juste où tous les actifs du public comme du privé sont solidaires avec des règles communes à tous.
Depuis le Congrès de Tours en 2010, la CFDT défend l’idée d’un système universel qui rassemble tous les travailleurs. La CFDT veut changer le système actuel qui pénalise les femmes, les précaires, les bas revenus et les polypensionnés. Mais la CFDT veut aussi créer des droits nouveaux à la retraite, adaptés aux attentes des travailleurs d’aujourd’hui.
Si la CFDT s’implique dans la discussion, c’est bien parce qu’elle est convaincue qu’on peut garder un système de retraites basé par répartition où les cotisations des actifs permettent de payer les pensions des retraités, tout en le rendant plus juste, plus lisible et en phase avec la société d’aujourd’hui.
2. Comment la CFDT peut-elle faire confiance à ce gouvernement ?
La CFDT considère que son rôle en tant que syndicat est de défendre les travailleurs dès que possible. Elle le fait en cohérence avec ses valeurs et, dans le cadre de la réforme des retraites en cours, en cohérence avec les propositions que nous avons construites collectivement depuis le Congrès de Tours en 2010, ces mêmes propositions que nous portons depuis le début des concertations. Nous sommes toujours engagés dans les discussions avec le gouvernement et nous le serons jusqu’au bout : tant que le match n’est pas fini, il est trop tôt pour s’avouer vaincu. Si nous pouvons éviter des reculs sociaux ou au contraire permettre à des travailleurs de bénéficier de nouveaux droits, il n’est pas question pour la CFDT de sortir de la discussion. C’est tout le sens de la pétition que nous avons lancée, et des rencontres que nous organisons avec les parlementaires pour les convaincre de nos positions.
Nous nous positionnerons sur le projet de réforme des retraites à partir de nos revendications et une fois le texte connu. In fine, c’est bien le gouvernement qui porte cette réforme, et les parlementaires qui la voteront. La CFDT en tant que syndicat fait, elle, tout son possible pour peser en n’écartant aucun moyen pour se faire entendre.
Notre crédibilité, elle dépend d’abord de notre cohérence et de notre capacité à obtenir des avancées pour les travailleurs. C’est tout le sens de notre action.
3. Quelle est la différence entre l’âge pivot et l’âge d’équilibre mentionné dans la lettre du Premier Ministre ?
Le courrier du Premier Ministre envoyé le samedi 11 janvier aux partenaires sociaux fait référence à deux notions différentes :
L’âge pivot devait être introduit dès 2022 dans le système de retraite actuel. Cet âge pivot, qui introduit une décote et une surcote, aurait pénalisé ceux ayant cotisé tous leurs trimestres à 62 ans, contraints de partir plus tard pour ne pas subir de décote. Cette mesure visait à économiser 12 milliards d’euros à l’horizon 2027. C’est une mesure d’âge brutale et injuste. La CFDT l’a immédiatement dénoncée et combattue. C’est cette mesure qui a été retirée du projet de loi sous la pression de la CFDT.
L’âge d’équilibre introduit dans le futur système à points qui entrera en application à partir de 2037 (génération 1975) qui est un âge de référence remplaçant la notion d’âge du taux plein actuel. La CFDT ne s’y oppose pas sur le principe mais sur sa définition : le gouvernement voulait que cet âge soit le même pour tous, la CFDT souhaitait qu’il soit individualisé. Le gouvernement a accepté qu’il soit individualisé pour tenir compte de la pénibilité, des carrières longues…
4. Pourquoi la CFDT s’est-elle opposée à un âge pivot ?
Cette mesure aurait pénalisé dès 2022 des milliers de personnes ayant commencé à travailler tôt et ayant cotisé tous leurs trimestres, obligées de travailler plus longtemps pour avoir droit à leur retraite à taux plein sans subir de décote (+4 mois en 2022, +8 mois en 2023, +12 mois en 2024, +16 mois en 2025, +20 mois en 2026, +2 ans à partir 2027). Pour l’ensemble des personnes concernées cet âge pivot était particulièrement injuste et brutal et certainement pas un détail.
5. La CFDT a signé un accord sur les retraites complémentaires instaurant un âge pivot, quelle est la différence avec l’âge pivot qui était prévu par le gouvernement ?
Retraites complémentaires :
Un coefficient de solidarité |
Réforme des retraites 2020 :
Un âge pivot (retiré depuis) |
2015 : les régimes ARGIRC-ARRCO sont en danger avec un risque de baisse généralisée des pensions. Les partenaires sociaux trouvent un accord pour les sauver? | 2020 : le gouvernement souhaitait imposer un âge pivot à l’ensemble des travailleurs alors que l’équilibre du régime n’est pas menacé à court terme. |
Sa traduction : | Sa traduction : |
• Un malus de 10% pour les personnes partant avant 63 ans
• S’applique pour une durée de 3 ans • Ne concerne que le montant de la retraite complémentaire • En sont exemptées les pensions les plus modestes, les personnes en situation de handicap, personnes inaptes, aidants familiaux. • Renégociable |
• Un malus de 10% pour les personnes partant avant 64 ans
• S’applique définitivement • S’applique à la totalité de la pension perçue • Concerne tous les travailleurs • Non négociable
|
6. Pourquoi choisir un régime de retraite par points ?
Pour la construction d’un régime universel, la CFDT accepte le principe d’un régime par points comme elle accepterait n’importe quel régime contributif, c’est-à-dire un régime ou les droits directs à pension sont calculés sur la base des contributions de l’assuré, autrement dit les cotisations qu’il a versées au cours de sa carrière.
Il s’agit avec cette réforme de créer un nouveau système; il ne s’agit pas de passer des 25 meilleures à toute la carrière dans le système actuel (ce qui serait une dégradation des droits) mais de changer de système.
1) La retraite par points est-elle moins généreuse que la retraite en annuités ?
La générosité du système de retraite n’est pas déterminée par son mode de calcul, mais par le niveau de cotisation qu’il prélève, et qui permet le paiement des pensions. Plus élevées sont les cotisations, plus élevées sont les pensions, et inversement.
Le mode de calcul de la pension détermine les droits relatifs des uns et des autres. Autrement dit, certains modes de calculs peuvent avantager certaines catégories d’assurés et en désavantager d’autres, comme c’est le cas aujourd’hui, avec des personnes qui cotisent la même chose sur l’ensemble de leur carrière mais n’ont pas le même montant de pension de retraite.
2) Quel est le système de calcul des pensions le plus équitable ?
Il faut se débarrasser de l’idée fausse selon laquelle les régimes en annuités, en calculant la pension sur les X meilleures années, assureraient une redistribution en faveur des plus défavorisés. C’est en fait exactement l’inverse.
Il paraît avantageux de calculer la pension sur les meilleures de nos rémunérations, et de s’accorder un « droit à l’oubli » pour les périodes d’entrée dans la carrière ou de chômage. Mais cette règle ne détermine à elle seule aucun avantage particulier puisque tout le monde a 25 meilleures années à faire valoir. En termes de redistribution, l’avantage ira à ceux qui auront le plus grand écart entre bonnes et mauvaises années. Ceux-là maximiseront le rapport entre les pensions reçues (calculées sur les meilleures années) et les cotisations versées (calculées, elles, par construction, sur la rémunération moyenne de la carrière).
Un petit exemple chiffré pour s’en convaincre :
Années
1 à 20 |
Années
21 à 40 |
Cotisations
(30% salaire) |
Pension
(75% des 20 meilleures années |
|
Emmanuel | 1 000 €/mois | 2 000 €/mois | (300 + 600)/2
= 450 €/mois |
1 500 €/mois |
Edouard | 1 500 €/mois | 1 500 €/mois | (450 + 450)/2
= 450 €/mois |
1 125 €/mois |
Dans un régime en annuités où la retraite est calculée sur les 20 meilleures années (pour une carrière de 40 années), on voit que celui qui a une carrière ascendante (c’est-à-dire avec une promotion) bénéficie d’un meilleur retour sur cotisation. Dans cet exemple, évidemment construit pour la démonstration, les deux salariés ont fait le même effort contributif, mais n’obtiennent pas la même pension. Ce travers est propre aux régimes en annuités : dans un régime en points, les pensions étant calculées sur les cotisations versées, les deux personnes auraient la même pension.
3) Les régimes en annuités défavorisent les catégories de salariés les moins bien rémunérés
Ce travers des régimes en annuités ne serait pas grave si c’étaient les plus défavorisés qui faisaient état du plus grand écart de rémunération entre « bonnes » et « mauvaises » périodes (ceux qui ont connu des périodes de chômage, ceux qui ont connu la précarité). Dans ce cas, le système de retraite avantagerait ceux que le marché du travail a désavantagé. Mais la réalité nous montre tout le contraire : plus les revenus sont hauts, plus ils progressent rapidement, plus au contraire ils sont bas, moins ils progressent vite.
Pour un exemple plus factuel de ceci, il suffit de prendre les écarts de rémunération dans la Fonction Publique (le tableau suivant reconstitue la carrière des trois catégories d’agents, sur la base des grilles de rémunération issues de l’accords PPCR) :
Rémunération mensuelle en € | Catégorie A | Catégorie B | Catégorie C |
Entrée de carrière | 1 790,10 | 1 574,37 | 1 514,70 |
Fin de carrière | 3 699,54 | 2 451,06 | 1 927,80 |
Progression | + 106,7 % | + 55,7% | + 27,3% |
Le système à points, dans la mesure où il est plus « contributif » (les prestations sont calculées sur les cotisations versées) fait disparaître ce biais en faveur des actifs déjà favorisés par le fonctionnement du marché du travail.
7. Comment allons-nous réussir à financer ce nouveau régime qui réunira tous ceux qui existent aujourd’hui ?
Il n’y a pas de déficit au sens d’un dérapage des dépenses, donc pas de problème de financement immédiat. Le choc démographique du papy-boom a été « absorbé » par les réformes précédentes. Le problème aujourd’hui est un déficit au niveau de recettes, lié notamment aux décisions gouvernementales (non compensation des exonérations des charges sociales (CICE et heures supplémentaires, prime Macron, …)) et au problème du maintien en emploi des séniors (seuls 40% des personnes en âge de la retraite sont encore en emploi). La CFDT réclame que les employeurs prennent leurs responsabilités sur le maintien en emploi des séniors.
S’il y a des ajustements financiers à moyen terme à faire, la CFDT a toujours su prendre ses responsabilités par le passé et saura le faire à l’avenir. Elle prendra donc toute sa place dans les négociations qui vont s’ouvrir dans le cadre de la conférence de financement, demandée par la CFDT, pour trouver les solutions pour assurer l’équilibre financier de régime actuel à l’horizon de 2027.
8. Pourquoi ne pas utiliser les fonds de réserves ou la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) pour financer le système de retraite ?
C’est une des pistes de réflexion dans le cadre de conférence de financement : on a 36 milliards de réserves au Fonds de réserves de retraite (FRR) qui a été prévu pour cela… Mais si cela permet de maintenir le système à équilibre pendant un certain temps, cela n’est pas un moyen de financement sur le long terme.
9. Comment est-il possible que les retraites ne baissent pas si on limite les dépenses à 14% du PIB alors que le ratio d’actifs pour le nombre de retraités va diminuer ?
Dire que les dépenses de retraite ne doivent pas dépasser 14% du PIB ne signifie pas que les dépenses de retraite n’augmentent pas : le PIB augmente aussi. L’idée, c’est que les dépenses de retraite augmentent au même rythme que la richesse nationale (le PIB).
10. Quelle sera la valeur du point ? Pourrait-elle baisser ?
C’est la gouvernance (qui sera composée notamment des partenaires sociaux) du futur système de retraites qui sera chargée de fixer la valeur du point. Il est prévu que la valeur du point ne puisse baisser et que celle-ci augmente au même rythme que les salaires (qui évoluent plus vite que l’inflation).
Les régimes de retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO, Ircantec) sont des régimes par points, gérés par les partenaires sociaux depuis leur création… en 1947 ! Non seulement ce régime n’a pas fait baisser les pensions, mais il a permis de relever le niveau de vie des retraités : pour éviter une baisse des pensions, c’est le pilotage du système qu’il faut contrôler.
11. Comment un système qui prend en compte l’ensemble de la carrière peut-il ne pas pénaliser les personnes ayant des « accidents de vie » ?
Dans le futur système, périodes de chômage indemnisés, invalidité, maladies longue durée, maternité, … devraient être compensées.
12. Comment ce système peut-il être plus juste pour les femmes ?
Plusieurs points sont positifs pour les femmes dans cette réforme :
– Les bonifications dès le premier enfant : c’est 5% pour un enfant, 10% pour 2 enfants et 17% pour 3 enfants et plus (aujourd’hui, c’est uniquement à partir du 3e enfant et ce dispositif majore les pensions des mères mais aussi des pères. Avec la réforme, cette majoration donne directement un plus sur le montant de la pension pour la mère, sauf choix contraire des parents.)
– Le relèvement du minimum de pension (ce sont les femmes qui perçoivent les plus basses pensions) même si la CFDT revendique une hausse plus importante de celui-ci.
– Les points acquis dès la première heure de travail (aujourd’hui il faut avoir travaillé au moins 150 h SMIC) permettent aux personnes les plus précaires (temps partiels, alternance de périodes d’emploi et de chômage) donc les femmes de cotiser en se créant des droits dès qu’elles travaillent une heure.
En ce qui concerne le congé de maternité, il devrait être entièrement compensé et il devrait y avoir des points de solidarité pour les congés parentaux (le dispositif reste à préciser). Quant aux 8 trimestres supplémentaires (dans le privé) : cela donnait des trimestres mais ne permettait pas d’augmenter la pension des femmes. Dans le nouveau système, il n’y a plus d’obligation de cotiser pendant X trimestres. C’est intrinsèque au système par points : plus on travaille, plus on cotise, plus la pension augmente. Pas besoin de mécanisme pour augmenter la durée de cotisation.
Enfin, c’est le mode de calcul des pensions actuel reposant sur les annuités, et sur les 25 meilleures années (ou les 6 derniers mois) qui est injuste parce qu’il défavorise mécaniquement les travailleuses et travailleurs les moins favorisés dans l’emploi, et notamment les femmes qui ont les carrières les plus « plates », ceci expliquant en partie les écarts de pensions entre les femmes et les hommes (celles des femmes étant en moyenne inférieures de 38% à celle des hommes).
13. Comment ce nouveau système ne va-t-il pas favoriser la capitalisation alors que les plus riches pourront faire le choix d’aller cotiser ailleurs ?
La capitalisation (ou l’épargne retraite) existe déjà aujourd’hui. Les plus hauts revenus continueront à cotiser jusqu’à 120 000 euros annuel et à avoir des droits. Pour les 200 000 personnes qui gagnent plus de 120 000 euros annuels, ils cotiseront comme les autres jusqu’à 120 000 euros et au-delà, ils cotiseront 2,81 %, sans ouvrir de droits. Cela ne signifie pas un manque à gagner pour le futur système de retraites puisque le plafond de cotisations serait baissé mais le plafond de pension également (à hauteur de 3 plafonds de la sécurité sociale (PASS)).